Et si les pays africains privilégiaient les contributions de leurs diasporas aux programmes d’aide au développement ?

Article : Et si les pays africains privilégiaient les contributions de leurs diasporas aux programmes d’aide au développement ?
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23 octobre 2013

Et si les pays africains privilégiaient les contributions de leurs diasporas aux programmes d’aide au développement ?

Cette interrogation pourrait paraître frivole ou même désinvolte pour certains. Mais c’est patent que dans le processus de développement des pays africains, leurs ressortissants expatriés prennent une part non négligeable. La forme la plus connue de leurs apports est l’envoi de l’argent aux membres de leurs familles respectives. Mais en dehors de ces contributions individuelles et isolées qui profitent seulement à quelques franges de la population, on voit de plus en plus une volonté affichée des Africains de l’extérieur à prendre part au développement de leur pays d’origine à travers des regroupements et des actions plus structurées. Une tendance qui se confirme d’année en année; de quoi réfléchir sur la place qu’il convient aux pays africains d’accorder aux apports de leurs diasporas par rapport aux programmes d’aide au développement.

Marché de fruits en Afrique
Marché de fruits en Afrique
Crédit photo : (Pixabay/CC)

Les Africains vivant en dehors de l’Afrique sont présents sur tous les autres continents, principalement en Europe et en Amérique (États-Unis, Canada, etc.). Les raisons de leur émigration sont multiples et varient d’un pays à un autre. Chaque pays africain compte des millions de ses citoyens à travers le monde. Le cas des Béninois qui ne sont pas des champions africains en matière d’émigration permet de prendre la mesure du phénomène à l’échelle continentale.  En effet, selon les statistiques de la Direction des relations avec les Béninois de l’extérieur (Drbe) du ministre des Affaires étrangères, de l’Intégration africaine, de la Francophonie et des Béninois de l’extérieur (MAEIAFBE), « l’effectif des Béninois de l’extérieur est estimé en 2009 à plus de 4 millions de personnes, soit environ la moitié de la population totale du Bénin », en cette année-là.

Quels apports des diasporas africaines pour le développement du continent ?

La crainte majeure que fait naître l’émigration massive des Africains vers d’autres cieux est sans doute la fuite des cerveaux qui ferait partir les bras valides et les esprits créatifs dont la synergie devrait contribuer au développement de l’Afrique. Mais à y voir de près, cette situation pourrait bien tourner à l’avantage du continent ; car tout porte à croire que les Africains expatriés sont de plus en plus déterminés à s’impliquer dans l’émergence du continent. Seulement, sur plusieurs années, ils se sont contentés, pour beaucoup d’entre eux, d’envoyer de l’argent à leurs familles restées au pays. Ces fonds servent essentiellement à faire face aux dépenses quotidiennes de ceux qui les reçoivent. Dans ce sens, la Banque mondiale estime que les « transferts représentent annuellement 300 milliards de dollars US, mais l’essentiel des montants envoyés par la diaspora dans les pays d’origine concerne une assistance à court terme  pour subvenir aux besoins familiaux en matière d’alimentation, de santé et d’éducation. Une part minoritaire de ces fonds contribue directement au développement de l’activité économique. »

La tendance change cependant depuis quelque temps et de nombreux experts internationaux sont unanimes pour reconnaître le rôle éminent de ces Africains quant à l’impact de leurs transferts de fonds sur le développement structurel de l’Afrique.  Selon Jonathan Howard du Business Council for Africa (BCA), une organisation pour les entreprises et les entrepreneurs qui font des affaires en Afrique subsaharienne, « personne ne sait vraiment à quel point la diaspora africaine est grande. Ce qui est certain c’est que la diaspora africaine joue un grand rôle dans la croissance du continent. Car la diaspora est plus que jamais déterminée à s’impliquer en Afrique. La dégradation de la situation européenne y est sûrement pour quelque chose et il existe tellement plus d’opportunités en Afrique. »

Dans ce même registre, un rapport commandité par le gouvernement béninois sur « l’impact de la crise financière et économique mondiale sur le développement économique et social du Bénin » permet de noter que « les envois de fonds en provenance de la diaspora tournent en moyenne autour de 100 milliards F Cfa par an sur la période de 2004 à 2008, soit à peu près le double des recettes d’exportation du coton et 3 % du produit intérieur brut environ. » Les auteurs de ce rapport estiment que ces envois de fonds peuvent « contribuer significativement au développement national et local et peuvent jouer un rôle important dans la réduction de la pauvreté. » A l’échelle continentale, dans leur rapport intitulé « Démultiplier l’impact des migrations pour l’Afrique : envois de fonds, renforcement des compétences et investissements », la Banque mondiale et la Banque africaine de développement (BAD) estiment à 40 milliards de dollars US, le montant des transferts reçus par les pays les moins avancés en 2010.

Face à cet afflux important d’argent vers le continent en provenance des diasporas africaines, ces dernières de même que les États africains sentent la nécessité d’organiser cet élan afin qu’il profite davantage à un développement pérenne du continent et touche le plus grand nombre des citoyens.

Des initiatives des diasporas par pays d’origine et à l’échelle continentale se mettent en place.

Les expatriés de chaque pays africain se mettent ensemble dans des organisations pour mieux participer au développement de leur nation d’origine. Des associations sont alors créées et servent de tremplin à la réalisation de projets sur place en Afrique. C’est le cas du « Collectif des Élus Français d’origine Congo-Kinshasa » dont le rôle est, selon Grégoire Mukendi, adjoint au maire d’Aulnay-sous-Bois en France et président dudit collectif de « Faire connaître le Congo en France et vice versa, promouvoir la coopération décentralisée ». Ce creuset prend en compte une dizaine d’élus congolais en France qui visent le développement de leur pays d’origine à travers des projets novateurs et l’apport d’expertises en matière de décentralisation.

Infrastructures portuaires
Pour se doter d’infrastructures modernes capables d’impulser leur développement, les pays africains doivent compter plus sur les capitaux en provenance de leurs diasporas.
Crédit photo : (Pixabay/CC)

C’est aussi le cas au Bénin du « Haut conseil des Béninois de l’extérieur » à travers lequel des partenariats décentralisés sont noués avec des élus locaux afin que ces Béninois formés pour la plupart en Occident apportent leur savoir-faire et aussi des capitaux. L’État béninois a vite compris l’importance d’un tel créneau en créant « l’Agence nationale des Béninois de l’extérieur » devenue « l’Agence Nationale de Migrations et des Béninois de l’Extérieur » (ANMBE). Cette agence est surtout chargée, entre autres, de créer les conditions optimales à l’investissement des Béninois de l’extérieur au Bénin. En dehors des cas de la République démocratique du Congo et du Bénin, la plupart des diasporas africaines ont des organisations analogues qui sont pour eux des cadres de participation à l’émergence de leur pays d’origine.

Par ailleurs, les diasporas africaines s’organisent également à l’échelle continentale. Des regroupements prenant en compte tous les expatriés africains naissent. Les plus connues de ces organisations sont, l’African Business Club (ABC) qui fédère les énergies de toutes les diasporas africaines et mène des actions en direction de toute l’Afrique. Il y a également « l’Observatoire international des transferts de fonds des migrants des pays les moins avancés » (OITFM) créé en 2006, lors d’un sommet ayant regroupé plusieurs chefs d’État africains « en réponse à l’importance croissante des transferts de fonds des migrants et de leur potentiel de développement pour les pays les moins avancés. »

Eu égard à cet élan de générosité de leurs diasporas qui sont déterminées à mettre la main à la pâte pour le développement du continent, les pays africains n’ont-ils pas intérêt à privilégier leurs contributions (tant financières, matérielles et en ressources humaines) aux programmes « d’aide au développement » mis en place par les institutions financières internationales et les pays occidentaux, sachant que cette « aide au développement » composée essentiellement de prêts dans bien de cas, plombe dans une large mesure l’économie des pays africains et handicape leur émergence ?

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Commentaires

Boukari Ouédraogo
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Les gouvernants aussi doivent travailler à permettre à la diaspora de contribuer au développement de leur pays d'origine en leur facilitant les démarches administratives

Léon DJOGBENOU
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Bien vu, je partage votre avis.

KOUDJENOUME ZINSOU THEOPHANE
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Je voudrais savoir les chiffres de la diaspora béninoise dans le monde ces dernières années et la source que je peux vérifier