Bénin. Vote de la loi sur un nouveau découpage administratif : quelle place pour les archives nationales?

Article : Bénin. Vote de la loi sur un nouveau découpage administratif : quelle place pour les archives nationales?
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8 septembre 2014

Bénin. Vote de la loi sur un nouveau découpage administratif : quelle place pour les archives nationales?

En février 2013, les parlementaires béninois ont voté la loi « portant création, organisation, attribution et fonctionnement des Unités Administratives locales en République du Bénin. » Si les dispositions de cette loi venaient à être appliquées, c’est non seulement l’administration territoriale nationale qui en sera modifiée, mais c’est aussi le quotidien des citoyens qui en sera affecté. L’entreprise appelait par conséquent du législateur de s’entourer de toutes les garanties pour sa réussite et surtout d’éviter toute tentative opportuniste. En cela, s’inspirer de la mémoire nationale consignée dans les archives en matière de gestion administrative n’aurait-il pas été salutaire? 

Siège de l'Assemblée nationale du Bénin
Siège de l’Assemblée nationale du Bénin à Porto Novo.
Crédit Photo : levenementprecis.com

Le projet des parlementaires béninois était d’autant plus noble que, à en croire les propos du M. Mathurin Nago, président de l’Assemblée nationale, c’est malheureusement pour « la première fois, depuis l’accession de notre pays à la souveraineté nationale et internationale (c’est-à-dire en plus d’un demi-siècle d’indépendance) que le législateur s’intéresse à cette question qui relève pourtant du domaine de la loi…». Après avoir mis autant de temps pour s’y atteler, l’entreprise méritait alors que les honorables députés, chargés de légiférer sur la nouvelle carte administrative nationale, s’entourent de toutes les garanties pour sa réussite. On est alors en droit de s’interroger : ont-ils pris le recul indispensable pour s’inspirer du passé du Bénin en cette matière ? Quelle place ont-ils accordé aux archives nationales qui sont les seuls témoins infaillibles de ce qui s’est fait en matière de gestion de l’administration territoriale depuis la période coloniale ?

Disons tout de suite qu’il serait regrettable que cette montagne qui a poussé du côté de Porto Novo accouche d’une souris ou pire, que la montagne accouche d’un monstre. Le monstre serait alors que la loi votée par les députés, soit in fine, inapplicable, comme c’est le cas de celle ayant doté le Bénin de douze départements dont six le sont seulement de nom depuis qu’ils ont été créés, faute de structures administratives adéquates mais aussi à cause de dissensions socio-politiques. Il faut donc éviter un fiasco au bout du rouleau qui donnerait raisons aux Béninois déjà dubitatifs au sujet de l’applicabilité de la loi.  Des doutes, il y en a en effet, fondés ou non, sur la période choisie pour conduire le projet, période qui serait plus favorable à des visées politiciennes qu’à de réelles ambitions de développement pour le Bénin. En effet, trois élections nationales majeures se profilent à l’horizon : une cette année, si tout va bien (les Municipales), une en 2015 (les Législatives) et une également en 2016 (les Présidentielles). Certains soupçonnent ainsi des combinent politiciennes pour assouvir des desseins électoralistes. Ceux qui doutent de l’intention des dirigeants se fondent sur les maintes reports qui ont précédé l’examen de la loi avant son adoption ; reports dus aux profonds désaccords qui sont apparus entre les différents bords politiques à l’hémicycle. Mais sachant que les désaccords trouvent aussi leur origine dans la méfiance que les uns ont pour les autres, les archives auraient pu aider les députés à se doter d’une base de travail objective.

Les archives nationales constituent une source d’inspiration collective et permettent d’éviter les échecs du passé.

La méthodologie de travail des parlementaires pour élaborer la loi en question a surtout consisté en l’organisation de missions parlementaires à travers tout le pays pour « échanger avec les élus locaux et les populations de la nécessité de la création ou non de nouvelles unités administratives dans leurs entités territoriales et de les identifier le cas échéant », dixit Maturin Nago, président du parlement. On le voit bien, les sources documentaires traitant de l’administration territoriale au Bénin n’auraient pas été utilisées. Or, il est évident que tout comportement tendant à faire comme si l’administration territoriale au Bénin a commencé à partir de 1960, année de l’indépendance du pays, et comme si le recueil d’informations sur le terrain auprès des élus locaux, quel qu’ils soient, était suffisant pour avoir une loi satisfaisante, sera une garantie d’échec à ce projet de réforme administrative pourtant louable et salutaire. Plus que jamais, l’adage populaire qui veut qu’on tisse la nouvelle corde au bout de l’ancienne devait servir. Et pour cela, rien de telles que les archives nationales du Bénin, gardiennes impartiales du passé, pour renseigner sur ce qu’a été l’administration territoriale au Dahomey avec le colon, puis au Bénin.

Des travaux de recherche portant sur les actes législatifs et réglementaires en administration territoriale au Dahomey colonial entre 1890 et 1960, m’ont permis de me rendre compte que le colonisateur a laissé au Bénin un héritage précieux en termes d’archives liées à l’administration territoriale. Et ce serait très regrettable pour le Bénin de ne pas tirer parti des immenses documents d’archives conservés aux Archives nationales du Bénin sur ce sujet. Légiférer aujourd’hui sans tenir compte de ce passé serait faire preuve d’une myopie coupable et préjudiciable aux intérêts nationaux comme c’est déjà arrivé dans des situations où on a appris à regrets que le recours aux archives aurait pu préserver des patrimoines à jamais perdus. De cela, il en sera question dans un autre article consacré au même sujet.

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